Don’t give up
Journée de merde… Vendredi 28 mai 2010, ce matin en arrivant au collège j’ouvre mes mails et je repère immédiatement celui du laboratoire de biologie médicale. Les résultats de l’analyse de sang prescrite par mon gynécologue sont arrivés. Inutile de vous dire qu’en tant de prof d’anglais ça n’a aucun sens pour moi. Coup de téléphone immédiat au susdit gynéco et la réponse tombe, sèche, brutale, sans empathie:
-Ah oui Madame Nathalie Lambert, j’ai vos résultats, et bien effectivement, votre œstradiol est très très bas, votre FSH très élevé, c’est confirmé, vous êtes ménopausée, les chiffres sont sans appel. Mais vus vos symptômes vous vous en doutiez j’imagine.
-Merci docteur, bonne journée.
Connard.
Bon je sais, ok, je pourrais me dire enfin terminé les emmerdements, les situations compliquées, les agacements…Mais non, ça ne fonctionne pas comme ça et cette nouvelle me déprime. Je n’ai pas de psy pour en parler, vous aurez compris que mon gynécologue est étanche aux errements psychologiques… Il me reste… mes copines :
-Ohhh ma chérie ! Déjà? à 47 ans? Étonnant ! Moi je suis encore réglée comme un coucou suisse !
Connasse.
Alain, mon mari:
-Ah bon? Tu vas être moins chiante alors? Mais je rigole ma chérie !
Abruti.
9h30, classe de 3ème B, Interrogation surprise. Les auxiliaires BE et HAVE.
-Mais Madame, vous aviez dit plus d’interro surprise !
-Eh bien oui Marguerite, mais figurez-vous que les choses évoluent dans la vie, vous verrez vous aussi un jour.
Salle des professeurs déserte, fin des cours, 17 heures. Je corrige les « to have et to be »
-Ça va Nathalie ? Tu as déjeuné dans ta classe ?
Il ne manquait plus que lui…Nicolas, THE prof d’histoire géo du collège, populaire, sexy ce qui dans notre corporation relève, on ne va pas se mentir, du domaine de l’archi-exceptionnel. 35 ans, agrégé mais pas fier, sportif, un look urbain-négligé-mais-pas-trop. Et ce sourire…teint hâlé, dents blanches, barbe de 3 jours toujours parfaite.
Je quitte mes copies des yeux pour télescoper les siens…I am screwed…Allons ma fille ressaisis-toi, tes œstrogènes sont au plus bas, ta libido devrait être au ras des pâquerettes, tu es supposée avoir la paix des sens, tu nous fais quoi là ?
-Ah salut Nicolas, oui, dure journée aujourd’hui, j’ai grignoté dans ma salle effectivement. Tu sembles en grande forme !
-Merci, mais toi aussi, tu es superbe ! enfin comme toujours je devrais dire.
Le tout appuyé d’un sourire insistant…Je dois rêver.
-Tu es gentil Nicolas, mais là j’aurais bien besoin de me changer les idées pourtant…
C’est sorti tout seul, d’un trait, un shoot de FSH probablement ! Mais enfin tu délires Nathalie…
-Et bien si tu veux je t’offre un verre ! On mérite bien un moment de détente tu ne crois pas?
Et pourquoi pas ? Un verre entre collègues en fin de semaine il n’y a rien de mal. Après une dure journée.
-Oh avec plaisir Nicolas, je rêve d’un mojito là tout de suite !
Menteuse que tu es ! Ce n’est pas d’un mojito dont tu rêves, mais plutôt de ses fesses parfaites moulées dans son chino ajusté. Je deviens folle.
-Ahahah, et bien je trouve ça très bien Nathalie, je suis ravi et je pense comme toi ! Allons « au Chic » le bar à cocktail sur les boulevards, tu connais ?
Comment lui dire que ce pauvre Alain ne me sort que pour aller dans son bouge tenu par son ami d’enfance qui nous sert des pizzas mollasses.
-Oui j’y suis allée deux ou trois fois, c’est sympa.
Oh la menteuse.
-Je t’attends dans 30 minutes sur le parking du collège, je te ramènerai ici pour récupérer ta voiture.
-Ok, super, je termine ça et j’arrive.
Marguerite, 18/20, brave petite. On se serre les coudes entre filles. On est cool. Je suis en plein délire.
Ambiance lounge, fauteuils profonds, mojito parfait, discussion relax. J’existe. Je n’ai pas eu ce sentiment depuis des années. Cet homme semble s’intéresser à moi, à ma vie, il me parle de ma fille partie terminer ses études au Japon. Il me dit que lui aussi rêve de partir, voyager. Je lui réponds avec un aplomb inconsidéré que je veux donner un sens à ma vie. Vivre des choses profondes et j’ajoute que je n’ai malheureusement plus 20 ans et que je dois penser rapidement à tout ça.
C’est à ce moment là qu’il me prend la main, qu’il se rapproche de moi et qu’il m’embrasse. Pas un french kiss d’adolescent, non, mais un baiser doux et appuyé qui me transporte littéralement dans un monde parallèle. Il me regarde et me dit simplement qu’il attendait ce moment depuis son arrivée au collège en septembre. Et moi je ne trouve rien à répondre de cohérent. Je le serre dans mes bras. Je suis foutue. Je suis heureuse.
Il ne me ramène pas sur le parking du collège mais chez lui. Appartement sobre et élégant, à son image. J’envoie un SMS à mon mari lui disant que je ne rentrerai pas ce soir.
-Tu vas chez ta mère?
-Non, je te vois demain après-midi. Je te raconterai. Ne t’inquiète pas.
-Ok, du coup je vais aller chez Roland (la pizza molle)
Ma décision est prise je veux divorcer. Pas à cause de Nicolas, non, il est juste le catalyseur qui, ajouté à cette sensation de vivre une vie qui ne me correspond plus, me donne la force d’assumer mes envies.
Le lendemain Alain n’a pas sourcillé. Il a même paru soulagé. Aucune question. Ma fille m’a assurée de son soutien. Je me dis que ma vie reposait sur bien peu de choses.
Nicolas, 10 ans après est toujours là, beau, attentionné, aimant. Nous avons pris 2 années sabbatiques, fait le tour du monde, avons finalement arrêté l’enseignement pour devenir skipper et nous écrivons également des carnets de voyages. Nous sommes heureux et vivons chaque instant, simplement, passionnément. Don’t give up les filles !
One thought on “Don’t give up”
Bonjour Patrick,
Quelle tranche d’humour que cette nouvelle! A sa relecture, je ri encore. Vraiment c’est une pépite celle-ci. Tu pourrais la présenter à un concours de nouvelles.
A bientôt