Fragments. Je marche et je rêve.

Fragments. Je marche et je rêve.

I) Paris. Un matin de février, froid et ensoleillé après une nuit de neige.Je décide de sortir de mon appartement pour profiter de la belle lumière et d’une neige pas encore trop abîmée par la foule. J’habite tout proche du bois de Vincennes, le lieu est parfait pour les balades. Le lac Daumesnil sera superbe. Le froid sec me saisit en sortant dans la rue. Ça glisse, la démarche des gens est hésitante et assez comique, moi-même j’ai le pas instable malgré mes bonnes chaussures. Le soleil est éblouissant, le ciel bleu franc. Une journée d’hiver idéale. Déjà la neige sur le trottoir et l’avenue est sale, je n’aime pas ça. J’aimerais que tout reste immaculé. Sur le moment je déteste les voitures et les piétons qui gâchent tout. Cinq minutes de marche prudente et me voici au bord du lac, enfin tout est blanc, pur, beau, la neige est parfaite. Je laisse mes traces de semelles crantées sans la tâcher. J’aime le bruit de mes pas. Le crissement caractéristique qui me rappelle les vacances aux sports d’hiver. Je décide de faire le tour du lac. Deux kilomètres de bonheur. Il y a peu de monde. On se croise, on se sourit, c’est la magie blanche. Des enfants font une bataille de boules de neige. L’esprit de Noël en retard. Les oies sauvages et les cygnes, résidents habituels de l’endroit, sont encore plus beaux dans cet écrin. Simplicité du moment, parenthèse heureuse. Paysage somptueux. La neige transforme l’endroit le plus banal en un tableau romantique idéal propice à la joie, la bonne humeur et la réflexion. Carpe diem, relativisons les soucis quotidiens, marchons dans la neige et soyons heureux. Je rentre chez moi après cette parenthèse de bonheur fugace. Les cristaux de neige ont éclairé ma journée. Je voudrai garder cet optimisme et cette bonne humeur au-delà de leur transformation en gadoue.

II) Je suis entre deux eaux. Mes pieds sentent les courants froids de la mer et le haut de mon corps profite de la couche de surface, tempérée, chauffée par le soleil de la journée. C’est le dernier bain des vacances. La nuit tombe et je me suis éclipsé pour profiter égoïstement de ce moment. C’est un peu ma tradition: chaque année j’aime prendre ce dernier bain seul, tranquille. Je savoure le moment avec la légère angoisse de la reprise du travail qui s’approche. J’ai conscience que l’intensité du moment tient justement au fait que les vacances ne durent que quelques semaines. Au final je me remémore tous les bons moments en famille, entre amis. Les repas qui n’en finissent pas, les discussions plus ou moins profondes. Les rencontres également, même éphémères, qui rendent les vacances inoubliables. Tout cela fait que ces derniers bains, au fil des ans, étaient tous bien chauds. Et ce ne sont pas mes petits orteils au frais qui diront le contraire!

III) Je sais que je suis particulièrement sensible aux instants, aux endroits et que je suis plutôt contemplatif. J’aime aussi les routines, elles me rassurent. Savoir que je vais retrouver une ambiance connue me permet de réfléchir, de projeter mes sentiments en me sentant en sécurité. Malgré tout l’inconnu et l’aventure, même s’ils ne me correspondent pas ouvrent le champ des possibles. Alors parfois je déroge et me lance dans un voyage, une entreprise, une relation amicale, voire amoureuse et je suis toujours étonné que le possible devienne si facilement réel. Et puis, après-coup, je suis satisfait et fier de m’être un peu poussé dans mes retranchements.

Il y a également le rêve. Il nous permet de nous libérer de nos contraintes et de nos blocages. Il alimente notre imaginaire avec plus de force que notre quotidien. J’aime utiliser mes rêves, les analyser, tenter de trouver un lien avec ma vraie vie. Le résultat est variable mais toujours intéressant. Je me promets régulièrement d’aller plus avant dans ce type de recherches et d’approfondir l’interprétation de leur signification.

IV) Jusque-là, pour ses missions dans sa station, l’Agence Spatiale Européenne recrutait de purs scientifiques techniques passionnés, conscients du danger et de la difficulté de la tâche. En 2044 la station accueille une vingtaine d’astronautes et la durée moyenne de séjour approche maintenant un an. Cette durée rallongée, à l’origine pour raison d’économie, crée des soucis de cohabitation. Deux décès difficilement explicables à un mois d’intervalle font souffler un vent de panique au sein de l’agence. Le Directeur des opérations, prend la décision d’envoyer un psychologue judiciaire pour faire la lumière sur cette affaire embarrassante. En effet, depuis la faillite des états, les fonds de l’ESA proviennent uniquement d’investisseurs privés. Un scandale signerait la fin de l’agence. Les transferts terre-station sont parfaitement maitrisés, très onéreux mais sûrs. En revanche les séjours dans la base restent particulièrement difficiles. La station est inconfortable, vieillissante. Le quotidien des astronautes est éprouvant, la cohabitation compliquée. Elle rappelle la vie des sous-mariniers du siècle dernier, profession qui n’existe plus en 44.

Le psychologue a été choisi après une sélection difficile du fait du peu de volontaires. Il est une référence dans son domaine mais il a totalement sous-estimé la difficulté de la mission. Jusque-là sa vie était parfaitement organisée entre sa famille, son travail, sa passion pour le sport et la course à pied. Comment pourra-t-il s’adapter à la vie en apesanteur? à la promiscuité éprouvante. Lui qui aime tant l’espace et le grand air. L’agence a réagi en urgence sans mesurer vraiment l’évidente incompatibilité de son caractère avec le séjour de 6 mois prévu pour lui. Certes l’assassin sera confondu. Mais le pire arrivera également durant ce séjour.

Il s’agit là d’une autre histoire, ce sera toujours un rêve et une promenade…spatiale.

3 réflexions sur « Fragments. Je marche et je rêve. »

    1. Ohhh mon 1er commentaire 😉
      Bonjour, et merci Nadiège, et bien oui, la neige est de plus en plus rare dans nos contrée, cette rareté lui donne une magie toute particulière.
      Bonne journée!

  1. Cooki Patrick
    Ces fragments, bouts de toi sont des plongées fort agréables pour qui adore l’élément eau. Energie ô combien revitalisante. Ton analyse sur ton matériau qu’est ton écriture, a fait écho à ma propre propension à écrire. Voilà une bonne question : « Pourquoi a-t-on envie d’écrire? A quoi carbure notre encre? »

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